La chronologie des événements
L’Europe en guerre
Les déclarations de guerre s’enchaînent en quelques jours : après celle de l’Autriche-Hongrie à la Serbie le 28 juillet, viennent celles de l’Allemagne à la Russie le 1er août, à la France le 3, puis celles de l’Angleterre à l’Allemagne le 4, de l’Autriche-Hongrie à la Russie le 6 et, le même jour, de la Serbie à l’Allemagne et du Monténégro à l’Autriche-Hongrie. Enfin, le 11 et le 12, la France et le Royaume-Uni déclarent à leur tour la guerre à l’Autriche-Hongrie. L’Europe s’embrase.
Le royaume d’Italie, bien que lié à l’Allemagne et à l’Autriche-Hongrie par le traité de la Triplice, déclare la neutralité de son pays. Le même jour, le gouvernement italien rappelle les classes 1889, 1890 et 1891, tout en maintenant sous les drapeaux la classe 1892, alors en période de service. De nombreux Italiens, émigrés en Allemagne, en France ou sur le continent américain, prennent le chemin du retour vers leur pays natal.
Après la bataille de la Marne, la fin de la course à la mer et l’épuisement réciproque dans la « mêlée des Flandres », le front se stabilise sur une longueur de près de 800 km, de la mer du nord à la frontière suisse. La quasi-totalité du territoire belge et huit départements français du Nord et de l’Est connaissent l’occupation allemande, qui durera jusqu’en novembre 1918.
Depuis le début de la guerre, les soldats capturés par les Allemands sont éloignés des zones de combat et envoyés dans des camps situés en Allemagne, conformément à l’esprit du Règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre annexé à la Convention de La Haye du 29 juillet 1899.
Article 4. Les prisonniers de guerre sont au pouvoir du Gouvernement ennemi, mais non des individus ou des corps qui les ont capturés. Ils doivent être traités avec humanité. Tout ce qui leur appartient personnellement, excepté les armes, les chevaux et les papiers militaires, reste leur propriété.
Article 5. Les prisonniers de guerre peuvent être assujettis à l'internement dans une ville, forteresse, camp ou localité quelconque, avec obligation de ne pas s'en éloigner au-delà de certaines limites déterminées ; mais ils ne peuvent être enfermés que par mesure de sûreté indispensable.
Article 6. L’État peut employer, comme travailleurs, les prisonniers de guerre, selon leur grade et leurs aptitudes. Ces travaux ne seront pas excessifs et n’auront aucun rapport avec les opérations de la guerre.
Article 7. Le Gouvernement au pouvoir duquel se trouvent les prisonniers de guerre est chargé de leur entretien. A défaut d'une entente spéciale entre les belligérants, les prisonniers de guerre seront traités, pour la nourriture, le couchage et l'habillement, sur le même pied que les troupes du Gouvernement qui les aura capturés.
1915
Au terme d’un mois de mai que les partisans de l’intervention italienne vont qualifier de « radieux », l’Italie sort de sa neutralité et se range aux côtés des pays de l’Entente (France, Grande-Bretagne et Russie). Elle déclare la guerre à l’Autriche-Hongrie, et proclame la mobilisation générale. À l’aube du 24 mai, les premières troupes italiennes franchissent la frontière austro-hongroise en différents secteurs. Le front se stabilise rapidement, les avancées italiennes en territoire ennemi restant de portée limitée.
Pour la première fois depuis le début du conflit, l’état-major allemand annonce la création de bataillons de travail pour prisonniers de guerre (Kriegsgefangenen-Arbeit-Bataillone). Composés chacun de 4 compagnies de 500 hommes, ils pourront être envoyés dans les zones d’opération et dans les zones des étapes, estimant qu’il s’agit d’une nécessité d’ordre militaire. Seuls les prisonniers de guerre russes sont concernés par cette mesure.
A Bruxelles, le Gouverneur allemand Von Bissing condamne cinq personnes à la peine de mort pour « trahison en bande organisée », parmi lesquelles Edith Cavell, infirmière britannique, et Philippe Banck, architecte belge. Leur activité consistait à organiser le passage illicite de soldats français et britanniques vers les Pays-Bas. La sentence est exécutée le jour-même. L’incident soulève une vague d’indignation dans tous les pays alliés.
1916
L’éditeur italien Bemporad de Florence sort de presse l’Almanacco italiano per l’Anno di Guerra 1917, qui contient un long article sur « les prisonniers de la grande guerre ». On y trouve une carte des camps de prisonniers situés en Autriche, et une autre des camps pour prisonniers autrichiens situés en Italie. L’article précise que « la majeure partie des prisonniers italiens capturés par les Autrichiens est cantonnée dans le camp de Mauthausen. D’autres ont également été envoyés dans les camps de Sigmundsherberg, d’Osfti-Asszonyfa près de Vas ; de Duna-Szerdahely près de Presbourg ; de Sormoja en Hongrie et de Ober-Gerspitg, près de Brunn, en Moravie ». Sur la base d’un rapport établi à la demande du Pape Benoît XV par le cardinal Scapinelli, les conditions de vie dans ces camps sont décrites comme acceptables : « nos prisonniers en Autriche sont, relativement, bien traités ».
1917
Par suite de l’émoi général causé par la création, au printemps 1917, de camps de représailles pour prisonniers de guerre (c’est-à-dire de camps à portée du feu ennemi), un accord est conclu entre la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne prévoyant l’interdiction d’utiliser des prisonniers de guerre à moins de 30 kilomètres du front. Les prisonniers russes et roumains ne sont pas concernés, et restent donc présents dans ce périmètre, côté allemand.
L'éboulement de Caporetto
Importante offensive de troupes allemandes et austro-hongroises sur le front italien, dans le secteur de Kobarid (Caporetto), dans les Alpes juliennes. Le front italien est percé.
« Je m’enquis de la brèche et il me répondit que, d’après l’état-major de la brigade, les Autrichiens auraient percé les troupes du 27e corps, près de Caporetto. Il y avait eu une grande bataille au nord toute la journée. – Si ces salauds les laissent passer, nous sommes fichus, dit-il. – Ce sont les Allemands qui attaquent, dit l’un des médecins. Le mot Allemands avait quelque chose d’effrayant. Nous ne voulions pas avoir affaire aux Allemands. – Il y a quinze divisions d’Allemands, dit le médecin. Ils ont passé et nous allons être cernés. » (Ernest HEMINGWAY, L’adieu aux armes, 1929, p.180)
Dans son communiqué, le général Cadorna, commandant suprême des armées italiennes, attribue la déroute de Caporetto aux soldats qui « se sont vilement retirer sans combattre, ou ignominieusement rendus à l’ennemi, permettant aux forces austro-germaniques de rompre notre aile gauche sur le front des alpes juliennes ». Par mesure de répression, le gouvernement italien interdira jusqu’au début de l’année 1918 l’envoi de paquets aux prisonniers italiens détenus en Allemagne, cette interdiction s’appliquant tant aux familles qu’à la Croix-Rouge elle-même.
Les transferts de prisonniers vers le front occidental
Le Ministère allemand de la guerre émet la circulaire n°233 ordonnant la constitution de 22 compagnies de travail pour prisonniers de guerre italiens (Kriegsgefangenen-Arbeits-Kommandos), comptant en principe 500 hommes chacune et réparties entre les différents corps d’armée allemands tenant le front ouest.
On estime à près de 300.000 hommes, en majorité faits prisonniers, les pertes de l’armée italienne depuis la percée de Caporetto, le 24 octobre. Les prisonniers italiens suivent quelques routes principales les menant en Autriche : par Cortina, Tolmezzo ou Pontebba pour les combattants du Cadore et de la Carnia ; par Bozen et Franzensfeste pour les combattants de l’Altopiano et du Grappa ; par Caporetto, Tolmino et Grahovo pour les combattants du Carso. Ensuite, certains sont dirigés vers l’Allemagne, principalement via Munich, tandis que les autres sont transportés dans différents camps en Autriche ou en Hongrie. Jusqu’à cette date, à peine un millier de soldats italiens étaient détenus en Allemagne.
Signature d’un armistice germano-russe et début des négociations entre l’Allemagne et la Russie au sujet des conditions d’une paix séparée. Ludendorff, général en chef des armées allemandes, s’inquiète des conséquences d’un futur échange des prisonniers russes et allemands discuté dans le cadre de ces négociations. Dans ce cas, l’Allemagne perdrait un volume de main-d’œuvre d’environ un million d’hommes, ce qui est inacceptable pour lui. Ludendorff propose alors de négocier un étalement dans le temps de cet échange de prisonniers, mais aussi d’obtenir de l’Autriche-Hongrie un contingent supplémentaire de prisonniers italiens.
1918
Envoyé en mission diplomatique par le Président Clemenceau, Abel Ferry arrive à Rome pour négocier, en autres choses, que l’Italie envoie en France 100 000 travailleurs pour organiser les positions défensives du front français. Après quatre jours de discussion, le 19 janvier 1918, le gouvernement italien accepte. Une convention est signée, créant les « Troupes auxiliaires italiennes en France » (TAIF).
A Bad Homburg, non loin de Francfort, les détails de l’accord austro-allemand du 16 février sont fixés : Vienne mettra à disposition de Berlin 70 compagnies de travailleurs prisonniers, composées chacune de 200 hommes, soit 14 000 prisonniers au total. 50 seront prélevées sur le front oriental (au sein des 4e et 2e Armées autrichiennes) et 20 sur le front italien (7e Armée autrichienne).
Exploitations et circulations
À la fin du mois de mars 1918, des militaires italiens sont donc employés comme travailleurs des deux côtés du front occidental : dans les TAIF par les armées françaises et britanniques, et dans les bataillons de travail pour prisonniers de guerre par l’armée allemande.
À cette date, les localités belges et françaises occupées où sont cantonnés des prisonniers italiens se comptent par dizaines. Nous en avons dénombré près de 70, une liste qui n’est probablement pas exhaustive. Les captifs y sont exploités à de multiples travaux, tous éreintants, au service de l’ennemi. Certains passeront toute leur captivité en un même lieu, comme Settimio Damiani, mis au travail dans une usine de matériel ferroviaire à Illkirch-Graffenstaden, près de Strasbourg ; d’autres circuleront d’un camp de détention à un autre, tel Emilio Zappellini qui, entre mars et novembre 1918, sera détenu à Libramont, à Huy et à Liège, puis à nouveau à Libramont. Deux hommes parmi tant d’autres, réduits à l’état d’esclaves.
Importante offensive de troupes allemandes sur le front ouest, dans le secteur compris entre Cambrai et Saint-Quentin, en Picardie. Elle vise à ouvrir une brèche entre les armées britanniques et françaises et à atteindre Paris. L’offensive du Printemps, également appelée bataille du Kaiser, permettra aux Allemands d’enfoncer le front jusqu’à Montdidier et Château-Thierry, traversant à nouveau la Marne, comme en 1914. Elle prendra fin au mois de juillet.
La retraite allemande
“Der schwarze Tag des deutschen Heeres in der Geschichte dieses Kriegesˮ - « Le 8 août est le jour de deuil de l’armée allemande dans l’histoire de cette guerre », écrit Ludendorff dans ses mémoires. Entre Albert et Montdidier, le front allemand cède sous l’attaque des chars britanniques et français. L’armée du Kaiser doit reculer. L’offensive « des cent jours » est lancée ; la retraite commence pour les troupes allemandes, qui emmènent avec elles leurs prisonniers.
Depuis le mois de septembre et durant tout le mois d’octobre, les habitants des territoires occupés voient passer les convois de troupes allemandes en retraite. Avec elles se trouvent des prisonniers italiens, forcés de pousser le bétail et les chevaux volés par les Allemands ou de tirer de lourds chariots remplis du matériel dérobé dans les territoires occupés. Certains d’entre eux y perdront la vie, frappés par la grippe espagnole, terrassés par l’épuisement ou abattus par leurs gardiens.
L'armistice et le rapatriement des prisonniers
Armistice de Villa Giusti. La guerre avec l’Autriche-Hongrie est terminée. Les prisonniers italiens détenus en Autriche-Hongrie sont officiellement libres.
A 11h, entrée en vigueur de l’armistice signé à Compiègne. La guerre avec l’Allemagne est terminée. Les prisonniers italiens détenus par les Allemands sont officiellement libres.
Début de l’évacuation des territoires encore occupés en France, en Belgique, au Luxembourg et en Alsace-Lorraine par les troupes allemandes, qui ont quinze jours pour franchir le Rhin. Certains prisonniers italiens restent dans les camps où ils étaient détenus, d’autres commencent à circuler librement. Le même jour, les hommes du 2e Corps d’Armée italien accueille leurs premiers compatriotes libérés du joug allemand.
1919
Écrire leur histoire
1920
voir la liste des cimetières
1921
1922
1923
1924
1925
Un décret royal italien énonce : « Il est un devoir national de rassembler et publier dans un album les noms de ceux qui sont tombés durant la guerre 1915-1918 pour préserver, en signe d’honneur, leur pérenne souvenir ». Une commission est créée au sein du ministère de la Guerre pour réaliser la publication de ce « Livre d’or » (Albo d’Oro dei Militari caduti nella Guerra nazionale 1915-1918). La tâche est titanesque : 28 volumes seront publiés, le premier en 1926, le dernier en 1964. Y figurent tant les soldats morts au combat ou de leurs blessures que ceux décédés en captivité. Néanmoins, la formule utilisée pour les prisonniers est la sobre mention « mort en prison », sans aucune précision de lieu, contrairement aux hommes morts au champ d’honneur. Une information essentielle au sujet de leur histoire est ainsi perdue.
1926
1928
1975
1978
1979
1993
2001
Le livre que publie Camillo Pavan, I prigionieri italiani dopo Caporetto, contient une liste inédite des lieux de détention des prisonniers italiens durant la Première Guerre mondiale, établie par Alberto Burato. Parmi les 470 localités recensées, on trouve 11 localités belges et 5 localités françaises.
2014
Mise en ligne de la base de données « La Liste des Noms » dans le cadre du projet de commémoration « Gone West » de la province de Flandre Occidentale : elle recense les victimes de toutes nationalités tombées sur le sol belge au cours de la Première Guerre mondiale, y compris les soldats italiens. Les autres bases de données nominatives existantes recensent uniquement des nationaux : la Banca dei Caduti e Dispersi 1ª Guerra Mondiale pour l’Italie, le site Mémoire des hommes pour la France ou les registres de la Commonwealth War Graves Commission britannique.
2019
L’historien belge Dries Vanysacker et l’équipe du projet « The Names List » porté par le musée In Flanders Fields à Ypres publient une étude magistrale : Ai nostri gloriosi morti. L’énigme de la présence des soldats italiens en Belgique pendant la Première Guerre mondiale. Elle renouvelle profondément la connaissance de cet épisode de l’histoire militaire.